[Critique Série] – Fargo, saison 3

Grosse période pour Noah Hawley. En parallèle de Legion, la série sur l’univers X-Men qu’il a créé et qui est plutôt bien fichu comme on vous le racontait ici, il a continué de travailler sur Fargo, série anthologique lancée en 2014. Après un saut dans le passé nous voici de retour dans le présent, toujours avec une histoire différente et un casting renouvelé. Le tout toujours sur fond de lose intense.

En soi, rien ne distingue vraiment cette nouvelle (et dernière) saison de Fargo des deux autres. On retrouve un casting taille patron sur le papier et en action, entre Ewan McGregor (qui joue les frères Stussy), Carrie Coon, Mary Elizabeth Winstead, le trop rare David Thewlis ou encore Scoot McNairy dans le supporting cast. L’histoire est similaire à celles des deux autres saisons – une affaire anodine (ici une dispute sur un timbre) part en vrille et provoque la mort de dizaines de personnes – et le brouillage entre réel et fictionnel – comme indiqué dans le titre – est porté avec talent par le personnage de Vargas, à la fois danger omniscient mais aussi abstrait, racontant des histoires sans que l’on sache si elles sont vraies ou non. Et bien entendu la mise en scène est toujours aussi belle (quoiqu’un peu moins précise qu’avant).

Donc en théorie, cette saison aurait eu tout pour plaire. Pourtant, elle est moins bonne que les deux précédentes et un sentiment d’ennui poli a même pointé le bout de son nez durant quelques épisodes. Pourquoi ?

The Gang

La saison 2 avait été exceptionnelle d’un point de vue de l’écriture et de la mise en scène, mais si elle avait marqué les esprits, c’était aussi en changeant d’époque : avec cette ambiance 70’s parfaitement retranscrite, la rupture avait été totale par rapport à la première saison plus froide et morose visuellement. Si bien que, malgré une histoire assez similaire, le dépaysement était suffisamment important pour que l’on plonge tête la première dans cette deuxième saison. Avec cette troisième saison, Hawley et son équipe de scénaristes reviennent à une époque plus ou moins contemporaine. L’ambiance est à nouveau plus froide et morose, comme à l’époque de la première saison et la routine s’installe rapidement dans Fargo. Et comme il n’y a plus de dépaysement, on se rend aussi compte plus facilement de la similarité entre les histoires et l’on devine quel sera le destin de tel ou tel personnage et les étapes de leurs évolutions.

Pourtant les scénaristes ont pris des risques cette saison, notamment en développant une trame de fond critique sur le capitalisme outrancier et tellement abstrait qu’il en devient invisible (David Thewlis) qui se substitue à l’entrepreneuriat provincial, typique du cinéma et des séries américaines, symbolisé par Emmit Stussy. Mais comme la saison 2 de True Detective en son temps, cette menace reste cachée trop longtemps et assez mal exploitée. Le personnage de Larue Dollard – joué par Hamish Linklater déjà présent dans Legion – qui est un agent du fisc américain (ça ne s’invente pas), aurait pu être central mais n’intervient qu’à trois reprises dans la série vers la fin ; quant au personnage de Vargas, il est certes dérangeant et malsain, mais il ne suffit pas à développer suffisamment cette thématique. Ce manque de corps et de densité explique pourquoi la dernière séquence de la saison ne prend qu’à moitié et ne parvient pas à atteindre totalement son but.

Dire que cette saison 3 est mauvaise serait mentir. Mais on ne peut nier que la série semble faire du surplace. Ce qui est dommage parce qu’on a envie d’aimer cette saison, pour ses acteurs et surtout ses actrices, et pour quelques situations bien trouvées. Mais à la lassitude se mêle aussi une certaine frustration face aux destins de quelques personnages qui semblent expédiés fissa sans véritable dramaturgie, en plus de la frustration de cette trame de fond mal développée évoquée plus haut.

Selon Noah Hawley, Fargo ne devrait pas revenir l’année prochaine. Ce qui est compréhensible, vu que le bonhomme est engagé sur Legion et peut-être sur d’autres projets à côté. C’est sans doute un mal pour un bien. Quitte à revenir, autant le faire en étant sûr que la motivation et la créativité soit présente de bout en bout du projet. C’est sans doute ce qui a manqué à cette saison.

Fargo, saison 3, 10 épisodes déjà diffusés, disponible sur Netflix.

PFloyd lui attribue la note de :
6/10

En bref

Fargo n’est pas devenue une mauvaise série, elle rentre juste dans le rang après deux saisons remarquables. Le hiatus provoqué par Noah Hawley est une bonne chose, car elle permettra sans doute à la série de revenir avec de plus grandes ambitions dans quelques années.

PFloyd

Stanley Kubrick, Akira Kurosawa et David Simon sont mes Dieux, mais je prends toujours du plaisir à voir un film ou une série, à condition que ce soit bien et bon. Sinon, gare au retour de bâton.

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