Perry Mason. Un nom au poids conséquent aux Etats-Unis. Avocat défendant ses clients avec passion, allant parfois jusqu’à jouer avec la loi pour arriver à ses fins, il est l’alter ego fantasmé d’Erle Gardner, son créateur devenu légende de la littérature américaine grâce à son héros. Après quatre-vingts livres, plusieurs films et trois séries télévisées (dont celle des années 1950 qui fait encore référence aujourd’hui), c’est au tour d’HBO de se lancer dans son adaptation du mythe. Un défi de taille qui suscitait beaucoup d’attentes.
Qui dit adaptation, dit forcément différences. Dans la série de 1957, où le personnage est joué par un Raymond Burr charismatique, le canevas est toujours le même sur les 50 minutes des épisodes : une première partie où le crime se prépare et se déroule du point de vue de la victime ; le ou la suspecte en est témoin ou se sent menacé.e et décide donc de s’attacher les services de Perry Mason. Ce dernier enquête de son côté, assisté par Della Street et son détective privé Paul Drake, avant de passer les vingt dernières minutes au tribunal où l’avocat finit par faire éclater la vérité. Chez HBO, Perry Mason a un passé : ancien soldat réformé de la 1e Guerre Mondiale, il traîne sa misère dans les rues de Los Angeles en tant que privé miteux, seul depuis que sa femme l’a quitté en emportant son fils avec elle. C’est en s’attachant à une affaire, celle du meurtre d’un bébé, qu’il va devenir l’avocat de la mère accusée d’infanticide.
Si la création de Rolin Jones et Ron Fitzgerald (qui ont jadis travaillé ensemble sur Weeds et FNL) se distingue donc dans son approche du personnage et le ton sombre et malsain donné à l’ensemble (on y reviendra plus tard), elle reste tout de même plus fidèle à sa devancière télévisuelle qu’on pourrait le croire. Elle reprend les personnages emblématiques de l’univers Mason (Della Street, Paul Drake ici noir, Hamilton Burger…) et son découpage est quasiment identique à celui de sa prédécesseuse. La différence se situe dans le rythme : là où une affaire était traitée en un épisode (schéma classique de tout porcedural qui se respecte), ici elle est étirée sur huit heures. Et la qualité s’en ressent forcément.
Car si Perry Mason version HBO n’est pas une mauvaise série, elle souffre d’une intrigue convenue (malgré l’intérêt que l’on peut porter à la secte religieuse) et si la reconstitution du Los Angeles des années 30 est soignée, elle n’en reste pas moins qu’un décor certes luxueux mais sans réel apport pour la série (à l’image du Los Angeles de LA Noire). Le casting est lui aussi inégal, malgré sa qualité sur le papier : Juliet Rylance et Tatiana Maslany sont clairement au-dessus du lot, Chris Chalk reste trop en retrait de l’intrigue principale et Matthew Rhys, pourtant tête d’affiche, cabotine un peu trop le mec torturé et antipathique pour que l’on puisse réellement s’attacher à lui. Au point que l’on ait souhaité que Rylance (qui joue Della Street) prenne directement le rôle principal, tant elle paraît bien plus au fait du métier d’avocat et sympathique que tous les autres personnage qui la côtoient.
Si Rhys manque donc de charisme et de densité dramatique, ce n’est cependant pas totalement sa faute. Car le ton de la série est un vrai problème : si il était impossible de revenir au format et au ton des années 1950, il eut été peut-être plus avisé de ne pas aller dans le biais inverse. En faisant de Mason un anti-héros lâche et assez incompétent dans son nouvel univers, elle lui donne une épaisseur qu’il n’avait pas en 1957, mais elle rend aussi antipathique. L’ambiance malsaine et sombre de ce Los Angeles en crise se veut un clin d’œil aux films noirs de ces années-là, mais tout y semble factice et grossier, sans impact sur la destinée des personnages (mis à part Drake). Côté cour, ce Perry Mason vient après des séries comme The Good Wife et fait pâle figure à côté d’elles. Alors bien sûr, la série d’HBO tente la nuance et l’ironie pour s’en sortir, rappelant que la vérité n’éclate jamais lors d’une audition de témoins et qu’il vaut mieux se focaliser sur d’autres aspects du dossier pour innocenter l’accusée. Mais les scènes d’audience restent tout de même trop mollassonnes et trop peu nombreuses pour réellement marquer. Le manque de prestance de Rhys est aussi préjudiciable, mais peut-être sera t-il plus à l’aise dans le futur.
Que reste t-il alors ? Des références à l’ancienne série, un canevas plutôt bien respecté (mais trop dilué dans la longueur), la réussite du personnage de Della Street qui maintient comme elle peut tout le reste, les scènes de messe grandioses… Un bilan faiblard qui est bien loin des attentes établies au lancement du projet. Reste à voir ce qu’en fera HBO et surtout si l’écriture s’améliorera dans la seconde saison.
PFloyd lui attribue la note de :
En bref
Des débuts moyens pour ce nouvel avatar de Perry Mason qui peine à combler les attentes placées en lui. Une série qui se suit sans déplaisir certes, mais sans plaisir non plus. Coupable d’être moyenne et oubliable.