[Critique Film] – Le Sens de la Fête

Le Sens de la Fête

Avec Le Sens de la Fête, Nakache et Toledano intensifient leur cinéma. Ils plongent le film tout entier dans ce qui a toujours été leur matrice, le groupe. Il est question de son entente, ses galères, sa solidarité, sa solidité…

En écartant leur premier film que je n’ai pas vu, c’est le thème central de leurs débuts de carrière. Nos Jours Heureux met en scène une colonie de vacances, lieu ultime et éphémère du groupe. Tellement Proche, lui s’articule autour de la famille, qui est son lieu primaire et nucléaire.

Mais ce rapport au groupe dans les films suivants est plus distant. Avec Intouchables par exemple ils cédaient à la recette (gagnante) du duo. Omar Sy et François Cluzet dans un jeu de ping-pong verbal et culturel prenaient tout le devant de la scène. Pourtant en regardant de plus près, dans les coulisses il y avait encore et toujours le groupe. C’était le petit personnel de l’hôtel particulier : Magali la secrétaire, Yvonne la gouvernante, Marcelle l’infirmière… Une toile de fond sympathique où règne l’entraide et les petites querelles. Comme une résistance de l’obsession des deux réalisateurs au très classique duo.

Le Sens de la Fête

Un film plein

Le sens de la fête nous fait vivre du côté de l’organisation un mariage fastueux dans un château du 17e siècle. Max le traiteur, entouré de sa brigade de pieds nickelés, doit gérer toutes les situations dans un calme apparent. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il va y en avoir du pain sur la planche. De la cuisine à la sono en passant par l’animation, rien ne va fonctionner comme prévu. Il n’aura qu’un seul objectif de la tombée de la nuit, jusqu’au petit jour, éviter la catastrophe.

C’est dans cette unité de temps et de lieu qu’est enfermée l’histoire. Le groupe, une quinzaine de personnages, est partout derrière chaque porte. Il déborde de tous côtés de ce mariage marmite. Dès que l’on a fini avec l’un, c’est l’autre qui vient. Leurs histoires s’additionnent aux emmerdes de l’organisation qui s’accumulent. On a l’impression que dans cette nervosité, dans le rush du service, l’exiguïté des coursives, Nakache et Toledano ont trouvé une nouvelle pulsation à leur cinéma. Dans ce foisonnement, ce rétrécissement spatio-temporel le comique du film, pas le plus inventif mais très efficace, s’épanouit plus que dans leur précédent. Il n’y a ni temps mort ni espace vide. Sans être suffocant, c’est une comédie, ce mariage ne nous laisse pas le temps de respirer.

On peut reprocher à leur humour d’abuser du running gag au détriment de la surprise, mais dans cette salle noire de monde, le film a besoin de se remplir. Le spectateur doit sentir le pas soutenu du travailleur en retard, crouler sous les vannes. Et le running gag a l’avantage de faire de la masse.

Le Sens de la Fête

Un film politiquement habile

La belle idée est de faire de cette équipe, une sorte de petite photographie du cinéma français. Cette joyeuse bande brasse les parcours, les talents et les âges. Ainsi, Alban Ivanov, sociétaire du Jamel Comédie Club, incarne un serveur novice qui remplit la flûte de champagne de la jeune mariée, Judith Chelma de la comédie française. Gilles Lellouche, symbole d’un cinéma lourd et beauf, campe un chanteur de mariage ringard, qui s’écharpe avec la maître d’hôtel, joué par une jeune actrice encore inconnue, Eye Haidara.

Mais se groupe est aussi une photographie, un peu simple et idéal de la société française. Tous sont traités et considérés de manière égale. C’est la France, Black, Blanc, Beurre…Tamoul, rêvé. Aucun des clivages qui gangrènent notre système ne rugit ici. Mais, paradoxalement,  à côté de cette fable de gauche un peu lisse se mêle un problème plus épineux politiquement. La condition périlleuse de patron de PME qui jongle laborieusement avec les factures et les contrats. Dans une scène à l’émotion un peu forcée, Philippe (Bacri) enguirlande son équipe, coupable de draguer la mariée ou de se taper dans un buisson la mère du marié. Plus sérieusement, il crie à plein poumon, qu’il joue sa vie chaque soirée, que les charges l’acculent et qu’il se bat pour tenir la tête hors de l’eau. Il installe subitement une sorte d’opposition entre lui et les salariés mais également un rapport de dépendance. Ce speech sans être transcendant, surclasse et de loin, tout le brouhaha télévisuel qui nous est servi sur le sujet.

Pour le reste Nakache et Toledano ont réussi à habiller de ce qu’il faut d’intelligence leur comédie populaire, pour espérer réunir le public et la critique. Leur travail rythmé, parfois trop peut-être, ne verse jamais dans la vulgarité. Dans une comédie française où la moquerie est la norme, ils n’en ont pas une once.

Junkie Banane lui attribue la note de :
7/10

En bref

Avec Le Sens de la Fête, le duo de réalisateurs retourne à son thème fétiche, le groupe. Et cela donne une comédie rythmée et hilarante !

Junkie Banane

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