[Critique Film] – Jackie

Jackie

Jackie, en plus de prouver définitivement l’imminent talent de Pablo Larraìn derrière la caméra, n’est pas un biopic à proprement parler. Alors oui, c’est vrai, ne vous attendez pas à découvrir la famille Kennedy sous un nouveau jour, et n’espérez pas non plus voir la pellicule s’échapper d’un certain académisme. Non, rien de tout ça. Les sujets tabous sont scrupuleusement évités : pas un mot sur la personnalité controversée de JFK, ni sur les doutes suivant son assassinat. Jackie, comme son titre l’indique, est un film se concentrant uniquement sur la vie d’une première dame pas comme les autres, dans la pire période de sa vie, celle où elle doit faire face au deuil de son mari. In fine, ce que montre avant tout Larraìn, c’est que derrière chaque grand homme, il y a une femme. Mais quand le grand homme disparaît, que reste t-il ?

 Jackie

La première chose que l’on note à propos de Jackie, c’est la précision de la reconstitution, doublée de l’aspect ludique contaminé par la mise en scène. Le film joue sans cesse avec les images, comme si il nous disait, instinctivement, qu’elles sont des mensonges. Et cela permet à Larraìn de capturer pleinement chaque atmosphère, puisque le métrage se passe à travers trois périodes, au sein d’un montage antéchronologique : le vivant de JFK, l’époque d’une maison blanche prospère ; le meurtre, en plein Dallas ; puis le deuil. Jackie est donc un film sur l’intériorisation, narrant les interrogations existentielles d’une femme iconique au destin tragique. D’ailleurs, il est à noter le rayonnement de Natalie Portman dans les traits de ce rôle d’une évidente maturité. Les émotions de l’ex-première dame comptent donc davantage que la sphère historique au sein de laquelle elle est prisonnière.

Jackie

À la fois chaleureux et austère, Larraìn met donc en scène plusieurs films, restitués en un seul en prenant comme prétexte une intrigue introspective. Et c’est de là que vient la force de Jackie, le faisant notamment sortir du sentier du biopic indigent. À travers le prisme de la tragédie, le réalisateur joue avec les images jusqu’à en faire un enjeu dramatique, donnant au film une lucidité presque sidérante tout en multipliant ses intrigues. Globalement statique, la mise en scène est particulièrement réaliste, mais n’hésite pas à flirter avec l’onirisme, notamment lors de la séquence où Natalie Portman joue avec ses enfants face au coucher de soleil, avec en fond une stridente musique classique.

L’épouse n’est-elle que la gardienne des lieux ? En tout cas, Jackie est un film gardant fermement la mémoire, celle de son héroïne autant que celle du public. Mnémonique, donc, au point où l’on finit presque par perdre pied pour verser une larme de plomb. C’est la mémoire des événements vus de près. Et le film devient réellement captivant lorsque le couple Kennedy arrive à Dallas, le 22 novembre 1963. Images connues de tous, visibles partout, mais dont la puissance explose sur grand écran. Les images appellent les images, et Larraìn rappelle à quel point chaque combat est une affaire de timing. Jackie jongle ainsi avec le temps, faisant preuve d’une intense souplesse. Contrairement à ce que l’on aurait pu attendre, il ne s’agit pas d’un biopic mercantile, mais d’une réflexion passionnante sur la place des femmes au sommet de la société américaine, autant qu’une démystification cristallisant l’horreur et la tragédie.

Jackie

 

Kiwi- lui attribue la note de :
9/10

En bref

Juste et réaliste. Intime et universel.

Boyen LaBuée

Né un peu avant la sortie du film "Matrix"

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