[Critique Film] – Juste la fin du monde

Juste la fin du monde

Toi, devant ce film.

Le principal problème du cinéma de Xavier Dolan, c’est son esprit superfétatoire, gavé de surenchère sur chaque plan, donnant l’impression de déguster un gâteau dans lequel on aurait versé une grossière quantité de sucre. Parfois, cela peut faire la qualité du maitre d’œuvre, comme dans Mommy, où il explosait les émotions à grand coup de musique pop. Cependant, dans un huis-clos comme Juste la fin du monde, cette recette devient vulgaire. Et l’on voit très bien ce qui a séduit Xavier Dolan dans la pièce de Jean-Luc Largace, où il est question de rapports familiaux et sociaux, de perversité et de mensonges. Cependant, la pièce de Largace trouve des mots extrêmement forts, se constituant uniquement de monologue, et donnant un grand coup émotionnel quand on a connaissance de la séropositivité de son auteur. Xavier Dolan quant à lui continu sur sa route du m’as-tu-vu en se tirant un obus dans le pied.

Juste la fin du monde

Le jeune québécois souhaite nous parler des dernières heures d’un écrivain auprès de sa famille, de la folie qui peut en découler (le personnage d’Antoine), l’autodestruction (tout le monde fume du cannabis !) mais aussi des mensonges circulant dans la cellule familial. Mais cela demande un traitement convaincant, un talent et une subtilité dont Juste la fin du monde est totalement dénué. Affreusement formaliste, Dolan oublie de nourrir ses personnages avec une structure cohérente, et nous enferme avec eux pendant presque deux heures alors que ces derniers n’ont rien à dire en plus d’être vulgairement interprétés. Ainsi, à trop vouloir marquer son territoire, Dolan vise mal la case de la sincérité, et tout dans son film sonne toc, et notamment la surdose de gros plan, faisant passer le métrage pour un reportage de JT esthétisé à l’extrême. Et c’est d’autant plus dommage que cela gâche toute l’intensité dramatique du film, à en faire passer Dolan pour un sous-Fassbinder.

Ce qui semble le plus obséder Dolan, c’est de passer à un cinéma plus adulte, de montrer ce qu’il est capable de faire en usant d’une esthétique parfois pompeuse, risquant de désincarner les personnages. Et c’est là que Juste la fin du monde devient réellement insupportable : Dolan joue sur notre frustration face à cette œuvre, rendant les défauts de plus en plus lourds au fur-à-mesure que le film avance. Et durant tout ce temps, aucun instant, aucun dialogue n’est réellement incarné, joué ou même écrit avec conviction.

Juste la fin du monde

Et si seulement cela pouvait s’arrêter là… Mais on n’a pas parlé du casting en roue libre, les répliques siphonneuses de Vincent Cassel (« J’vais m’branler à Auschwitz dans l’sang séché pour écrire un poème !), mais aussi en bonus Marion Cotillard qui atteint ses sommets de sur-jeux. Pendant ce temps, on a vite fait le tour de la symbolique, présente uniquement pour être déchiffrée, et non pas pour extirper le film en dehors de la caricature.

Kiwi- lui attribue la note de :
2/10

En bref

Juste la fin du monde est asphyxiant, difforme, dégénéré et écrase le regard. Espérons qu’il s’agisse d’un film mineur, faisant office d’étape dans un mouvement ascendant. Mais en tout cas, si Dolan cherchait à nous mettre à la place de son personnage principal (auquel il est impossible de s’identifier tant il est mystérieux et ennuyeux), le pari est gagné ! Car le film nous fait vivre l’Enfer pendant plus d’une heure. Plutôt faire un karaoké avec des moldaves défoncés que de retenter l’expérience.

Boyen LaBuée

Né un peu avant la sortie du film "Matrix"

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