[Critique Film] – Mademoiselle

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Déjà reconnu pour ses incursions dans le domaine du thriller machiavélique et diaboliquement érotique, Park Chan-Wook s’aventure avec Mademoiselle dans un film de manipulation se déroulant dans la Corée des années 1930, démontrant une fois de plus l’étrange fascination qu’exercent le torture porn et le raffinement dans le cinéma sud-coréen. Aussi cruel que magnifique, Mademoiselle est ni plus ni moins qu’un pétulant et sibyllin jeu de dupe dans lequel les manipulateurs manipulent des manipulés plus manipulateurs qu’eux. Prenant comme décor une maison de poupée à la décoration maniérée, Park Chan-Wook réveille ainsi les esprits de Joseph Mankiewicz (on songe beaucoup à All About Eve), Henri-George Clouzot (Les Diaboliques) ou encore (bien évidemment) Joseph Losey (The Servant), renouant avec un cinéma avant tout axé sur la pneumatologie et le désir, comportant en son sein des séquences d’une extrême noirceur.

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Flanqué d’une mélancolie lynchéenne mettant en abyme des personnages schopenhauriens, Mademoiselle est avant tout un brillant jeu narratif où tout n’est qu’apparence. Méticuleusement planifié, le film expose les fantasmes les plus enfouis en chacun de nous et joue avec sa mise en scène sur notre perception de l’action, multipliant les points de vue d’une même séquence, comme cette scène de sexe qui revient deux fois dans le film, à chaque fois présenté via le point de vue d’un des protagonistes. Mais il serait réducteur de réduire Mademoiselle à ses séquences érotiques soft, car non-content de bénéficier d’une inspiration sans limite, Park Chan-Wook prend visiblement un certain plaisir à narrer cette histoire extravagante et spectaculaire, remplie de twist et de faux-semblants, au service d’une histoire dédoublée et parfaitement romanesque.

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Maître de ses effets, le réalisateur de la fameuse trilogie de la vengeance qui l’a fait connaître à travers le monde peut alors peindre librement un labyrinthe brumeux et nauséeux emplie de personnages fascinants, névropathes et pervers. Radiographie au coeur des ténèbres, vitrine des êtres déshumanisés, Mademoiselle se veut comme un film ténébreux et sadique, et s’avère au final davantage une œuvre sombre, infernale et angoissante orchestrant un sans faute technique. Nous gâtant d’une magistrale profondeur de fond en plus de travelling arrières audacieux tout en restant proche d’une forme minimaliste et simple, le film orchestre un ratio très large, offrant un confort de vision que l’on attribue à la mise en scène précise et l’absence d’artifices.

Kiwi lui attribue la note de :
9/10

L’extrait

Alliant autopsie névrotique, faux semblants et romance fantomatique, cet échiquier venimeux donne lieu à un duel entre le glauque et la beauté, la romance et l’esprit pervers, les manipulations et la sincérité, l’opacité et la transparence, se montrant comme le candidat naturel au panthéon du genre aux cotés de Mulholland Drive voire Gone Girl. Quand l’eau de rose se voit affublée d’un teint sombre. Terrassant.

Boyen LaBuée

Né un peu avant la sortie du film "Matrix"

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