[Critique Film] – Only God Forgives

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Les Monstrueuses figures de la castration.

Rien n’avait préparé la carrière de Nicolas Winding Refn à un film aussi lénifiant, tortueux, vertigineux, inégal et passionnant qu’Only God Forgives. Hué lors de son passage au Festival de Cannes en 2013, cette oeuvre atmosphérique, enfant d’un mariage déviant entre le mythe d’Œdipe et « Macbeth », appui sa singularité sur un scénario post-it fantasmagorique ainsi qu’une esthétique marquante et crépusculaire. Cependant, Only God Forgives présente tous les clichés du film à prétention auteuriste : lenteur forcée, acteurs silencieux, postulat minimaliste et récit mené par la mise en scène. Avec cette oeuvre sibylline, Nicolas Winding Refn s’est-il contenté de faire du Nicolas Winding Refn ? Tout comme Drive n’est pas un simple film sur un cascadeur, Only God Forgives n’est pas un simple revenge movie. La prétention du réalisateur danois est ailleurs : il s’agit de l’abus des limites cinématographiques imaginées.

« Clipeux », « Drive bis », « Parodie ridicule », Only God Forgives, échec monumental auprès des spectateurs, s’est vu attribuer (et parfois à raison) tous les adjectifs. Il est vrai, ce n’est pas un film facile à aimer. Personnages caricaturaux, scénario révocable, plastiquement situé quelque part entre Fassbinder et Jodorowsky, cet hommage morbide au cinéma bis à la fois moite et électrique n’a rien de particulièrement séduisant. Ce que beaucoup de critiques n’ont en revanche pas compris, c’est que le but de NWR n’est pas de scanner l’âme humaine au pays des ladyboys. Avec une obsession perverse, il ne fait même pas l’effort de chercher la vérité de l’individu, mais il analyse son absolu à travers les voix de l’abstraction, miroitant des valeurs familiales malsaines, se dessinant dans un opéra hypnotique où poésie et violence s’entremêlent.

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Sous les néons, les démons.

Pour arriver à ses desseins, Nicolas Winding Refn commence par dresser un impact lynchéen, décrivant l’espace mental de Julian, anti-héros taiseux et désincarné. Alors que son frère est assassiné après avoir violé et tué une asphalteuse de seize ans, sa mère débarque à Bangkok pour exécuter sa vengeance, dont l’hégémonie se tourne vers un policier spadassin aux méthodes atroces et béotiennes. Mais ce n’est pas cette vengeance qui occupent le centre de l’intrigue, puisque Only God Forgives va davantage mettre l’accent sur un triangle de personnages soumis à une osmose alternant trois aspects de violences : sourde (Julian), péremptoire (la mère), et aiguisée (le flic).

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Entre forclusion lacanienne et exercice de style assumé et ébouriffant, Nicolas Winding Refn se montre bien plus proche de Valhalla Rising que de Drive. Accompli d’une audace sans égal, ce trip sensuel et plastique réclame une disponibilité sensorielle à toute épreuve, dépeignant l’enfermement mutique ronflant et la névrose rutilante régnant dans un brouillard sans fin. Kristin Scott Thomas, ici affublée d’une blondeur évoquant Madonna dans dix ans, incarne Jocaste avec une force ténébreuse digne de Lady Macbeth. Elle est la principale force loufoque du film, grâce à son impureté et son comportement hashischin vis-à-vis de son fils, incarné par le sex-symbol Ryan Gosling campant un personnage insociable brillamment ridicule. Littéralement extraordinaire de par son esthétisme, Only God Forgives ne manque jamais une occasion de mettre en valeur son univers ultra-sensoriel, noyé dans un bain d’images et de sonorités. Refn dira pendant la promotion du film, qu’il en avait eu l’idée alors que sa femme était enceinte de leur seconde fille, et qu’elle souffrait profusément, faisant germer en lui l’idée d’un frère vengeur poussé par sa mère à affronter Dieu.

Miroir malade de la condition humaine, Only God Forgives, parfaite transcription de la Loi du Talion sur grand écran, offre également des regrets. Car malheureusement, Nicolas Winding Refn ne dépasse jamais le stade de la simple conception allégorique, cette dernière qu’il ne sait incarner que par la mise en scène et l’usage de la symbolique, simplement présente pour être déchiffrée. Là est le réel défaut de ce film aux allures de train fantôme. Ce qui ne l’empêche nullement de rester dans les mémoires comme une pure expérience de cinéma. artfichier_777966_5261243_201511055109533

Kiwi- lui attribue la note de
8/10

En bref

Cyclone de lumière hautain dans lequel sang et vengeance raisonnent au prix du châtiment, chemin de croix moderne brouillant les frontières de la réalité, chimère existentielle invoquant une violence céleste. Seul Dieu pourra oublier…

Boyen LaBuée

Né un peu avant la sortie du film "Matrix"

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