[Critique Film] – The Lobster

The Lobster

Dans un futur aussi proche qu’éloigné de notre époque, les célibataires sont condamnés à trouver l’âme sœur sous peine d’être transformés en l’animal de leur choix. Réunis ainsi dans un luxueux hôtel au beau milieu d’une mystérieuse forêt, hommes et femmes ont 45 jours pour trouver leur moitié.

Réalisé par le jeune prodige grec Yorgos Lanthimos, auquel nous devons notamment le trop méconnu Canine,  The Lobster  se présente ainsi comme un ovni cinématographique devant lequel on ne sait pas exactement si l’on doit rire ou pleurer, comme un film post-Buñel se dotant d’un casting international au prix de son synopsis absurde. On s’étonne d’y retrouver Colin Farrell, qui ici prend l’allure d’un gros matou au regard éteint et affublé d’une minuscule et ridicule moustache, Léa Seydoux en femme sauvage et glaciale, John C. Reilly et Ben Whishaw en amis de fortune, sans oublier la voix off de Rachel Weisz dont le texte a manifestement été écrit par quelqu’un qui ne portait pas l’actrice dans son cœur. Au final, en quittant le film, l’éternelle question revient : venons nous de voir l’œuvre d’un réalisateur visionnaire ou d’un talentueux taré ? Car en ayant récolté le Prix du Jury lors du dernier Festival de Cannes, voilà que Yorgos Lanthimos et sa pseudo-comédie sont soudainement pris plus au sérieux.

The Lobster

Comme il l’avait fait avec le malsain Canine, Lanthimos reprend  la fraction déshumanisé de son histoire pour transformer le tout en concept symbolique. Jouant à merveille avec les plans fixes avec une symétrie évoquant un certain Shining (le film va également faire des clins d’œil à d’autres adaptations cinématographiques des romans de Stephen King) sans compter l’usage récurant de la voix off à la fois ironique et tragique (semblable à celle de Barry Lyndon notamment), The Lobster s’appuie surtout sur son surréalisme, son calme chaotique et cette image repoussante et ténébreuse. Ici la cruauté est traitée sur un ton comique, sans jamais être gratuite ; il s’élève du film un rire noir et désenchanté, qu’il s’agisse des dialogues ou de la position précaires des personnages qui les pousse souvent à des actions totalement absurdes.

The Lobster

Embrasser par un climat d’une froideur extrême, The Lobster cache derrière ce théâtre déglingué une précision inattendue dans un tel contexte. Lanthimos revient avant tout, et cela avec cette cruauté évoquée plus haut, sur l’ordre du monde, avec un esprit ou chaque regard à davantage de valeur qu’une ligne de texte. Le film se divise en deux parties : tout d’abord dans l’hôtel, où les personnages sont condamnés à une errance sexuelle, puis dans la forêt, où ils sont soumis à des règles et des punitions impitoyables. Les personnages doivent littéralement faire abstraction de la civilisation entre ces deux univers qui se renvoient leur puritanisme comme une balle de tennis. Lanthimos emploie également une analyse du mensonge : en effet, comment s’aimer sincèrement dans de telles conditions ? Outre cette lecture glaciale et somme toute hilarante de l’Humanité, ainsi que de l’amour, voire de la violence, The Lobster, à travers sa seconde partie, se transforme en une ode à la liberté maladive. Le film ne perd d’ailleurs jamais ce fin tracé jusqu’à la scène finale, presque insoutenable, qui laisse le spectateur l’interpréter comme il le souhaite.

The Lobster

Arnaque de génie, chef d’oeuvre dissimulé ? The Lobster de Lanthimos fait parti de ces films qui font du bien au cinéma contemporain. Et cette fable aliénée et classieuse approche librement de l’allégorie totale malgré le fait qu’elle semble désespérément chercher une grandeur qu’elle ne peut atteindre, comme si, au final, il ne s’agissait que d’un grandiose prototype interminable. The Lobster, même si il se terre dans un minimalisme parfois horripilant et forcé, garde sa tête et révèle un goût qui prononce un arrière goût.

Kiwi_ lui attribue la note de :
7/10

En bref

Amusement hautain, déchet sobre et fixe, lecture ironique pour compenser une sublime métaphore d’un monde fait de diktats pour sourire sur commande. The Lobster est et restera l’un des plus beaux ovnis à voir au cinéma en 2015. Car au final, dans cette maligne dystopie, seule l’amour est capable de transformer les hommes.

Boyen LaBuée

Né un peu avant la sortie du film "Matrix"

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