[Critique Film] – Avé César !

Ave_Cesar

Avec Avé César !, les frères Coen rendent un hommage goguenard et légèrement caustique à l’Histoire d’Hollywood. On devine, parfois, les séquences qu’ils ont eu le plus de plaisir à tourner, ainsi que les clins d’œil au vieil Hollywood, tels que Ben-Hur ou Chantons sous la pluie. Difficile également de bouder son plaisir en voyant cette usine à rêves de l’intérieur, ces décors superbement reconstitués qui flattent la rétine et ces costumes d’antan. Et pourtant, il manque un truc. Drôle de film que ce Avé César !

Relançant la facette comique des deux frangins, le film paraît également comme une étape peu anodine dans leurs filmographies respectives. Il s’agit d’un film dédié à la spiritualité dans l’enceinte même du temple du faux. À ce titre, certaines séquences sont assez symboliques, comme celle où Josh Brolin — comme souvent impérial — tente de convaincre un prêtre, un pasteur, un rabbin et un orthodoxe afin d’obtenir le feu vert pour une futur adaptation du Nouveau Testament. Dans tout ce méandre, George Clooney incarne à la perfection une star à la dérive kidnappée par des scénaristes communistes. Au final, ce n’est que le maccarthysme qui sert de toile de fond aux Coen bro. Ils font l’éloge d’un temps où les films appartenaient encore à la légende, tout en insistant à nous méfier du cinéma en tant qu’outil de propagande. Et ce n’est que dans le dernier tiers du film qu’on se rend compte que la seule quête existentielle valable est de faire des films.

hailcaesar.0.0

Malheureusement, Avé César !  ressemble plutôt à une saynète qu’à un film marquant digne de Fargo ou The Big Lebowski. D’ailleurs le film se construit sur une véritable série de saynètes, qui, si elles ne sont pas énervantes, peuvent ouvrir quelques portes à l’analyse et, tout au plus, à la sympathie. C’est dommage, car pour le coup on aurait attendu une suite tardive mais honnête à Barton Fink. Les antiquités sont toutes placées dans le même rayon, qu’il s’agisse du communisme, de l’homosexualité ou encore de la névrose. Et pourtant, le film, qui avait toutes les cartes en main, se complaît dans une impertinence quasiment gênante. La mélancolie est très peu présente et une ironie lourde et inutile va jusqu’à faire son apparition (la séquence du sous-marin). Heureusement, il reste quelques traits de génie : comme nous le montre le film, pour que la machine à rêves garde sa splendeur, il fallait qu’un homme insomniaque dissimule une grossesse, cache des bouteilles d’alcool et fasse passer des centaines de milliers de dollars cash en mettant en danger la vie d’un acteur. Quelque part, ce personnage, campé par l’habitué Josh Brolin, est sans nul doute le plus touchant du film. Quel personnage !

img5

Les Coen essayent également de créer un parallèle entre l’absurde anticommunisme régnant dans les studios et l’histoire du Nouveau Testament. C’est assez vain et finalement Avé César !, en tentant de s’approprier cette richesse contextuelle, ne mène pas à grand chose et s’égare en chemin. Prenons l’exemple d’une scène : deux personnages assistent à la projection d’un western où un vieux bougre teigneux pense attraper la lune dans le reflet de l’eau et ne comprend pas pourquoi il n’arrive pas à la tenir. D’un seul coup la salle explose de rire, sauf l’un des acteurs du film alors présent. Pourquoi ces gens rient-ils ? À cause de la naïveté du personnage, de sa manière de croire en l’image, alors qu’au final, l’image n’est que le plus vrai des mensonges. Le film vient alors d’ouvrir une porte, mais n’y rentre pas. On a également droit à de nombreux échos, comme une sirène évoquant un sous-marin soviétique ou un rapport étroit avec la croyance que le film ne va pas fouiller en profondeur. Il préfère se montrer comme un mille-feuille affichant pleinement ses limites. Mais ici, pas de métaphysique, ni de mélancolie, comme l’on laissé espérer les auteurs… Juste des saynètes…

hail-caesar-trailer-josh-brolin

Sans être infamant, Avé César ! n’en reste pas moins oubliable. Quelques scènes valent le détour, Josh Brolin également, mais l’ensemble se regarde poliment. Avant de passer à autre chose comme si de rien n’était. Pour un film des frères Coen, c’est un sentiment décevant.

Kiwi- lui attribue la note de :
5/10

En bref

Chers frères Coen, ceux qui, comme moi, sont morts face à autant d’ennui, vous saluent.

Boyen LaBuée

Né un peu avant la sortie du film "Matrix"

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *