[Critique Film] – Batman : The Killing Joke

Planning chargé pour DC Comics et Warner Bros. Outre la sortie toute fraîche de Suicide Squad – qui ne semble pas enthousiasmer les foules au vu des premiers retours – une oeuvre encore plus importante mettant en scène le chevalier noir et le Joker a fait l’objet d’une adaptation : Killing Joke, le comics d’Alan « Watchmen/V pour Vendetta/La Ligue des Gentlemen Extroardinaires » Moore et de Brian Bolland au dessin. Sorti la semaine dernière, bénéficiant des voix de Kevin Conroy et de Mark Hamill et produit entre autres par Bruce Timm, Batman : The Killing Joke était très attendu par les fans de l’oeuvre de base, dont votre humble serviteur.

Killing Joke est un one shot d’une quarantaine de pages qui met donc en scène le Joker qui s’évade (encore une fois) d’Arkham et Batman qui lui court après. Rien d’original a priori, mais l’intérêt de l’oeuvre se situe dans la relation développée entre les deux personnages, toujours plus à la limite de la moralité, dans le passé du Joker qui est raconté et dans les dessins de Bolland, hallucinants de puissance symbolique et de sauvagerie. Cependant, à cause de sa courte durée, il paraissait impossible de faire traîner cette histoire 1h20 sans rajouter quelques intrigues subsidiaires.

Le grand ajout de cette adaptation consiste à donner plus de place à Barbara Gordon/Batgirl, notamment dans une première partie d’une demi-heure complètement inédite. De prime abord, cela semble être une bonne chose : c’est en effet dans ce comics que Barbara devient paraplégique à cause du Joker, mettant fin de fait à Batgirl et en la forçant à devenir Oracle plus tard. Donc lui donner un plus grand rôle dans le film a du sens, surtout que le personnage est plutôt bien écrit et que l’interprétation de Tara Strong est convaincante. Mais il y a un problème.

Car tout ceci ne sert finalement à… rien. Déjà, cette première demi-heure n’est ni franchement palpitante ni très bien mise en scène – on dirait un épisode moyen d’une série animée Batman – mais ce n’est même pas le souci principal. Non, ce qui ne va pas ici est qu’on a droit au développement d’un personnage qui est mal utilisé. Tout d’abord en en faisant un love interest de Batman – ce qui aura une influence sur la suite pour ce dernier après la blessure de Barbara – mais aussi en la laissant complètement de côté dès que l’adaptation stricto sensu du comics débute. Quand elle rend son costume de justicière masquée après une mission pour arrêter un méchant alors qu’elle demandait justement quelques minutes auparavant à Batman d’arrêter de la protéger, on sent qu’elle n’est qu’un prétexte pour la suite. Un prétexte pour donner une raison à Batman de se battre avec le Joker – alors que dans le comics, elle n’est qu’une preuve supplémentaire du danger que représente ce dernier. Et c’est très difficile de comprendre pourquoi les scénaristes n’ont pas voulu l’intégrer complètement au film, car il y avait de la matière : on pouvait imaginer une Batgirl pourchassant le Joker au côté de Batman et étant blessée durant une poursuite, ou autre chose. Car là, il aurait mieux fallu ne rien faire vu le gâchis que ça occasionne.

Et peu importe que Mark Hamill soit possédé en tant que Joker, cela gâche vraiment la suite du film. Qui est donc une simple copie du comics de base, n’apportant rien de plus et supprimant même certains éléments visuels pourtant très fort de l’oeuvre de base. La mise en scène est plate et le montage est bien trop rapide pour qu’une ambiance forte puisse s’y développer. Les personnes derrière l’adaptation ont aussi eu la mauvaise idée de reprendre quasiment l’intégralité des dialogues du comics, qui chez Moore sont toujours très nombreux, et dont l’abondance colle mal avec le rythme du film. Mais si la sauce ne prend pas, c’est aussi parce que la symbolique du comics a été altéré : au lieu de montrer à quel point Batman et le Joker sont à la fois proches et distants – comme les faces d’une même pièce – le film se contente de présenter une histoire classique de chasse au méchant saupoudré de vengeance car le Joker a fait du mal à Barbara. On a donc des images que l’on connait mais pas le fond et le film est clairement aseptisé.

Batou n’aime pas les mauvaises copies

Cette adaptation de Killing Joke apparait donc comme un beau raté de la part de DC. La volonté de mettre en avant Batgirl et Barbara Gordon n’est que cosmétique et frustre énormément vu le potentiel que pouvait avoir cette intégration. Du côté de chez DC, on a sans doute voulu marquer le coup juste en faisant s’embrasser Batman et Batgirl histoire d’émoustiller le fan avant de repartir sur du très classique avec un affrontement entre le Joker et Batman qui a été mis des dizaines de fois. Il est dommage de constater qu’en 2016 un personnage féminin ne puisse pas être développé comme il devrait l’être et qu’une oeuvre de base puisse être à ce point vidé de son fond et de sa puissance symbolique. Très dommage.

 Si vous souhaitez aller plus loin sur le pourquoi du comment du foirage du personnage de Batgirl, cet article de The Mary Sue pourrait vous intéresser.

PFloyd lui attribue la note de :
3/10

En bref

Batman : The Killing Joke aurait pu être une bonne adaptation, elle n’est malheureusement qu’une pâle copie d’un classique. Le traitement de Batgirl est un immense gâchis qui plombe le film là où le personnage aurait pu apporter beaucoup de choses. Très frustrant.

PFloyd

Stanley Kubrick, Akira Kurosawa et David Simon sont mes Dieux, mais je prends toujours du plaisir à voir un film ou une série, à condition que ce soit bien et bon. Sinon, gare au retour de bâton.

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