[Critique Film] – Blood Freak

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Il est des films qui laissent sans voix, et Blood Freak semble s’élever comme la quintessence de cette catégorie. Les grands amateurs de nanars gardent sans nul doute comme grand souvenir filmique le monologue du Karma dans Eaux Sauvages, véritable étron doté d’une métaphysique de comptoir. Blood Freak est ce monologue étiré en plus de 90 minutes. Totalement absurde et incompréhensible mais cependant tellement hypnotique que l’on ne tarde pas à se pendre aux lèvres des acteurs. Ici, le binôme Steve Hawks et Brad Grinter à la réalisation réhabilite d’emblée le talent d’Ed Wood ou la rigueur de Bruno Mattei. Blood Freak n’a rien d’un nanar classique, d’ailleurs, la frontière entre la série B du dimanche et le grandiose trip expérimental devient quasiment flou.

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Richard

Le film a été fait en plein commencement des années 70 et il est difficile de ne pas le remarquer. Moumoute, pilosité radioactive et mise en scène poisseuse sont au rendez-vous dès l’introduction dans laquelle notre héros, Richard, rencontre une jeune catholique sur la route qui lui propose de passer la nuit chez elle. Au chômage, Richard débarque alors chez sa jeune découverte où il rencontre la sœur de cette dernière, une droguée qui lui trouve rapidement un emploi dans une ferme. Les deux êtres tombent amoureux et Richard découvre rapidement la drogue et ses bienfaits alors que la ferme où il travaille désormais lui propose de devenir un cobaye pour une expérience : manger un dindon génétiquement modifié, pour en échange se faire payer en rail de coke en plus de son salaire. C’est après que Richard ait dévoré son dindon que le film devient réellement psychédélique. En effet Richard se transforme en HOMME-DINDON qui a besoin de boire le sang des toxicos du coin pour survivre.

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Les scientifiques

C’est le coréalisateur du film, Steve Hawks, qui campe Richard et il faut avouer que le voir se balader avec ce masque de dindon hautement ridicule est une expérience totalement hallucinante. Mais Blood Freak ne peut se résumer à son synopsis tiré par les cheveux. Le film bénéficie de ce qui ressemble au pire doublage VF de l’histoire, ce qui n’arrange nullement la fluidité de l’histoire ainsi que la sublime idiotie des dialogues, et notamment les répliques données à la compagne de Richard qui ferait passer un dictionnaire pour une éponge : « Et si nos enfants ressemblent à leur père… Ce n’est pas tant son apparence, c’est sa tête !», sanglote t’elle. Nous sommes en plein surréalisme. Et le film ne s’arrête pas là, bien au contraire. Toutes les thématiques se mélangent, donnant lieu à un vaste plateau de fumerie philosophique, de séquences gores ficelées avec deux bouts de scotch et un message anti-drogue tellement niais qu’il en devient tordant.

Impossible de ne pas en venir à l’ »esthétique » du film. Les réalisateurs ne semblent pas du tout savoir ce qu’ils font, le mieux étant que le film à cruellement subit les dommages du temps. Le résultat est un cataclysme sonore et visuel, magnifiant les acteurs lamentables et le scénario sans queue ni tête ni logique, et le doublage français, encore une fois, n’arrange pas les choses. On dirait que le distributeur a appelé sa bonne femme et son pote alcoolique des bas-fonds pour se relayer derrière le micro et déblatérer un flot de paroles dignes du fameux tonton un peu trop alcoolisé lors des repas de famille. Blood Freak est tout simplement un OFNI adressant un gros doigt d’honneur à la grammaire filmique la plus élémentaire et illustrant l’apothéose pure et simple du non-cinéma.

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Qui a tué le réalisme ?

L’anticonformisme respire devant et derrière la caméra et offre un véritable trip sous-acide d’une violence rarement atteinte. Blood Freak est un film radicalement anti-drogue (la morale du film : « tu aimeras Dieu et ne prendras pas de drogue parce que sinon tu finiras HOMME-DINDON »), et on peut dire qu’il réussit parfaitement dans sa trajectoire puisqu’il provoque un effet assez similaire à celui d’une substance illicite sans qu’il y ait eu besoin d’en prendre, cet effet est l’hallucination nanarde ! Et l’histoire se termine bien puisque Steve Hawks parviendra à faire rentabiliser ce truc qu’il avait fait pour soigner une blessure due à un accident. Blood Freak, toujours injustement ignoré en France, est un objet culte au Etats-Unis, puisqu’il est, de toute manière, probablement l’un des seuls films au monde à proposer une descente aussi incroyable dans les abysses du néant cinématographique.

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Quand Jésus prend du crack

 Si le coeur vous en dit, vous pouvez trouver le film sur Youtube très facilement en VF. De quoi passer un bon moment en compagnie de Richard et des dindons.

Kiwi_ lui attribue la note de :
7/10

En bref

Je dois personnellement l’avouer, Blood Freak est à mes yeux un excellent film qu’il faut, je pense, voir au moins une fois dans sa vie. À regarder avec prudence cependant, entre amis (un minimum entraînés pour l’occasion) afin de se soutenir mutuellement et ne pas s’effondrer physiquement et mentalement. Un choc narnardesque !

Boyen LaBuée

Né un peu avant la sortie du film "Matrix"

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