[Critique Film] – L’Enfance d’Ivan

L'enfance d'Ivan

L’Enfance d’Ivan

L’ombre est son berceau, le rêve est son identité, son histoire est belle, autant que cruelle. L’Enfance d’Ivanpremier long-métrage du plus célèbre des réalisateurs russes Andreï Tarkovski, commence par un travelling ascendant sur un arbre, dans un cocon de noir et blanc, dans un rêve sans possibilité d’échappatoire. La réalité est plus dure. La seconde guerre mondiale fait rage, Ivan vient de traverser la Volga à la nage, il débarque dans les ruines d’un ancien monde possédé par l’immensité de la forêt. Le destin d’Ivan est vide, son épopée est un sacrifice, sous une forme inédite de poésie, la vue de l’enfance dirigée par le maître russe est incontestable, vraie et assoupie dans les souvenirs sans couleur et sans fraîcheur.

L'enfance d'Ivan

Pour un premier long métrage, L’Enfance d’Ivan fait preuve d’une remarquable maturité. Mettant en évidence les derniers jours irréels dans une mise en scène quasiment sensorielle, le temps s’arrête pendant quelques minutes, laissant découvrir un film noyé dans la solitude, le regret et les ténèbres. Tarkovski met en place une ambiance aussi neutre qu’exceptionnellement maitrisée, laissant place à une harmonie totale entre le sujet du film et le style onirique si particulier du réalisateur, comme dans ces séquences où Ivan revoit ses instants de bonheur, ou quand il distribue des pommes avec une camarade de jeu. Tarkovski installe également une certaine sensualité dans son film : la séquence de plusieurs minutes en forêt où Kholin et Macha s’offre à un jeu concupiscent pendant lequel le temps se retrouve scellé en est un bon exemple.

Touché par la grâce, renfermant une poésie sans nom autant qu’une intemporelle tragédie, L’Enfance d’Ivan est à la fois une émotion grandiose et une épopée minimaliste. Poétique rapport avec le réel, avalanche des souvenirs, sensationnel écoulement du temps, capture des visages, contemplation esthétique de la misère, le monde sous une autre étincelle… Le filet tarkovskien se tisse dans cette photographie épurée, qui parle plus avec les images et les jeux d’ombres et lumières qu’avec les mots.

L'enfance d'Ivan

Mis à terre par la guerre, la délivrance par la mort au pays des larmes, dans la cité du bonheur, dans la boue ou bien sous le soleil. Quand sur cette plage apparaît un final d’une beauté sans borne… Andreï Tarkovski l’écrira lui même dans son livre Temps Scellé : « C’est après avoir achevé « L’Enfance d’Ivan » que j’eus le pressentiment que le cinéma était à la portée de ma main […]. Un miracle avait eu lieu : le film était réussi. Quelque chose d’autre était maintenant exigé de moi : il me fallait comprendre ce qu’était le cinéma. C’est alors que me vint cette idée de temps scellé ».*

L’Enfance d’Ivan est aussi une bonne porte d’entrée dans la carrière d’Andreï Tarkovski. Si ce film vous plaît, vous avez toutes les chances d’apprécier le reste de la filmographie du cinéaste russe, que ce soit Le Miroir (sans doute son film le plus autobiographique), Stalker (une libre adaptation du livre de SF du même nom) ou encore Solaris (dont le remake de Soderbergh est plus connu que l’original, mais aussi moins bon) pour n’en citer que quelques-uns. Une filmographie à découvrir et à approfondir, assurément.

L’Enfance d’Ivan (Ivanovo detstvo en VO), réalisé par Andreï Tarkoski, URSS, 95 minutes, vu en VO.

*(source citation : Les Cahiers du Cinéma)

KiwiKarma lui attribue la note de
8/10

En bref

Comme possédé, le démon humain fait le vide de son destin. L’Enfance d’Ivan est un premier pas certes encore un peu hésitant, mais incroyablement marquant.

Boyen LaBuée

Né un peu avant la sortie du film "Matrix"

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