[Critique Film] – La Loi du Marché

La Loi du Marché

Affiche officielle

Bénéficiant de bons retours venant de Cannes – où le film est en compétition officielle et potentiel vainqueur final de la Palme si l’on en croit certaines rumeurs – il était donc normal de s’intéresser à cette Loi du Marché, troisième collaboration de suite entre Stéphane Brizé (le réalisateur) et Vincent Lindon, qui s’aventure dans le domaine social, et plus précisément dans le monde du chômage longue durée et d’un travail frustrant mais nécessaire pour maintenir un niveau de vie acceptable.

Tout le propos du film se trouve d’ailleurs dans ce postulat de base : est-on prêt à tout pour garder son travail, par peur du chômage, de la précarité, et surtout par peur de ne plus pouvoir subvenir aux besoins de sa famille ? Question forcément d’actualité, forcément forte et qui aurait mérité un traitement plus rigoureux et passionné que ce qu’en a fait Brizé. Parce que si les intentions de base sont bonnes, il manque singulièrement de caractère.

Et c’est le gros problème de La Loi du Marché. En le voyant, on ne peut s’empêcher de penser à tous les films de la même trempe sortis ces dernières années, des films des frères Dardenne – notamment Deux Jours, Une Nuit – à ceux de Ken Loach, en passant par les films français du genre. Stéphane Brizé n’apporte pas grand-chose par rapport à ces films-là : on y retrouve le même pessimisme sur le genre humain et le monde du travail, les mêmes clichés et les mêmes situations figées.

La Loi du Marché

Du bleu et du blanc

Bien sûr, il est tout à fait possible de réaliser un bon film en ne réinventant pas l’eau chaude – après tout, en plus de cent ans de cinéma, il y a forcément des redites. Malheureusement, plusieurs aspects de La Loi du Marché empêchent cela. Tout d’abord, la réalisation et ce style pseudo-documentaire qui m’énerve de plus en plus au fil du temps, car j’ai l’impression d’y voir un cache-misère pseudo-réaliste pour masquer un manque d’idées de mise en scène. La caméra ne cesse de trembler en 1h30, elle ne quitte jamais Vincent Lindon, empêchant de facto des plans larges qui auraient pu apporter de la puissance émotionnelle lors des dialogues notamment – et qui a le mauvais goût de reléguer physiquement tous les autres personnages au second plan en les floutant. Les séquences sont beaucoup trop étirées en longueur, comme cette vente de mobil-home qui devient insupportable au bout de deux minutes, ce qui casse le rythme.

Les personnages ont aussi leurs lots de soucis, avec un fils handicapé dont j’ai trouvé la présence très superflue – à part pour en rajouter dans le côté pathos…, une femme absente et effacée, et des collègues ou interlocuteurs extérieurs – le conseiller Pôle Emploi, la banquière, le directeur de l’école du gosse – qui n’apportent pas grand-chose, à part donner la réplique. La volonté de Brizé de focaliser au maximum son film sur le personnage joué par Vincent Lindon se comprend, mais le réalisateur se coupe d’un monde qui aurait pu densifier le film et donner d’autres pistes de réflexions.

La Loi du Marché

Une des rares séquences prenantes du film

Parce qu’au final, le film reste à la surface de son sujet. Oui, le chômage longue durée est une galère ; oui, le travail pour les personnes plutôt âgées est aussi un souci ; tout comme le fait d’être pressuré ou d’être obligé de tout faire pour garder son emploi. Personne ne remettrait en cause ces faits, mais Brizé se contente juste de les mettre en scène. Il n’y a pas de réflexion, ni d’ébauche de solutions, juste un compte-rendu plutôt froid et académique. Et quand vient la fin, je n’ai pas eu le sentiment d’avoir été bousculé, informé ou pris à la gorge ; j’ai seulement eu l’impression de voir et revoir les mêmes séquences, et je commence à être lassé. Que Vincent Lindon ait obtenu le prix d’interprétation masculine à Cannes ne me paraît pas volé, car il porte vraiment le film sur ses épaules – malgré un personnage trop introverti ; mais je suis plus perplexe quand j’observe les regards positifs sur ce film. La Loi du Marché n’est pas mauvais, mais il manque de souffle dans tous les domaines pour vraiment convaincre. Et vu le sujet, c’est vraiment dommage.

PFloyd lui attribue la note de
5/10

En bref

La Loi du Marché avait de quoi être un bon film, mais son académisme dans tous les domaines l’empêche de l’être. Reste Vincent Lindon, qui n’est pas gâté par un personnage trop mutique, mais qui marque vraiment le film de son empreinte. Prix mérité pour lui à Cannes, mais c’est la seule chose que l’on retiendra.

PFloyd

Stanley Kubrick, Akira Kurosawa et David Simon sont mes Dieux, mais je prends toujours du plaisir à voir un film ou une série, à condition que ce soit bien et bon. Sinon, gare au retour de bâton.

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