[Critique Série] – Show me a Hero

Une série de David Simon est forcément un événement, même si ce n’est qu’une mini-série de six épisodes. Le papa de The Wire et Treme (entre autres) adapte ici un fait réel, la construction de logements sociaux dans un quartier de classe moyenne de Yonkers, une ville de l’état de New-York, à la fin des années 1980, ainsi que ses conséquences sur les dirigeants politiques locaux et sur les populations concernées. Un sujet qui, dans les mains de Simon et de Williams F. Zorzi (qui a travaillé sur The Wire), a tout pour être passionnant.

Une fois les six épisodes de Show me a Hero terminés, je n’ai eu qu’un seul regret : que ce fut si court. Chaque épisode est tellement dense que Simon aurait largement pu étaler son histoire sur huit ou dix épisodes. C’est sans doute le plus gros souci de la série, sa relative rapidité, scannant six années en six épisodes (1987-1993) ; pourtant, là où beaucoup de séries auraient survolé leur sujet, Show me a Hero est dense et profonde. Le point de départ de toute l’affaire est la décision du juge Sand d’obliger Yonkers à construire des logements sociaux comme dans le reste du pays. A partir de là, tout va se compliquer, notamment pour le maire fraîchement élu, Nick Wasicsko, qui va devoir faire accepter un projet qu’il avait éludé auparavant.

La série s’attache à suivre deux mondes parallèles : le monde politique local, qui ne sait pas trop quoi faire avec ce programme de logements sociaux, et dont certains membres veulent en tirer un profit personnel ; et l’opposition entre une partie des habitants de Yonkers, blanche et issue de la classe moyenne/aisée, qui refuse d’accepter des familles plus pauvres et noires pour la plupart, qui apporteraient le crime et l’insécurité dans leurs quartiers. Ce qui est très bien montré dans Show me a Hero est l’incapacité du pouvoir politique à faire accepter à la population une décision judiciaire parce qu’ils n’y croient pas eux-mêmes, cherchant des échappatoires juridiques jusqu’au dernier moment. Forcément, mis dos au mur, ils se heurtent à l’hostilité de la population ; population qui insulte les partisans du projet au conseil municipal et qui manifeste bruyamment lors du vote.

Clairement, l’image de la démocratie américaine n’est pas positive dans Show me a hero, avec ce radicalisme alimenté par les opposants au projet, Henry Spallone en tête, et qui devient un gouffre démagogique aussi exploité par un Wasicsko revanchard qui souhaite surfer sur cette nouvelle population pour l’emporter, en se présentant comme l’instigateur du projet. A l’inverse, le message se veut plus positif concernant les rapports entre les communautés dans le final, même si Simon n’élude pas la question du racisme ou de la pauvreté.

HBO oblige, on attend forcément de la qualité en ce qui concerne le casting ou la mise en scène. Cette dernière pouvait soulever quelques doutes avec Paul Haggis aux commandes, mais au final elle est de qualité. Un peu trop sage parfois – et lourde sur la fin – elle parvient souvent à créer l’émotion et à laisser le temps aux personnages de s’installer et d’interagir entre eux. Quant au casting, il est très solide : Oscar Isaac est toujours juste dans la peau de Nick Wasicsko, Alfred Molina est immense en requin politique démago et les autres acteurs sont tout aussi bons, que ce soit Winona Ryder, James Beluschi, Ilfenesh Hadera (poignante en mère célibataire) ou encore Carla Quevedo – pour ne citer que les plus importants. Le petit plus de la série provient de l’OST, composée en grande partie de chansons de Bruce Springsteen ; un choix logique, tant le Springsteen des années 1980 remettait en cause le rêve américain. En plus, les chansons choisies sont intégrées intelligemment dans les différents épisodes : une chanson sort d’un jukebox, une autre d’un autoradio… Plutôt malin au final.

Au final, Show me a Hero est une (trop) courte mini-série qui montre que rien n’a changé en une vingtaine d’années. Mais loin de n’être qu’une série didactique – comme Narcos pour citer un exemple récent – elle est aussi une série dramatique, avec des personnages forts et une écriture soignée et intelligente. A voir absolument pour les amateurs de bonnes séries.

PFloyd lui attribue la note de
8/10

En bref

Show me a Hero est une très bonne mini-série sur un sujet sensible et casse-gueule. Encore une fois, Simon arrive à trouver le juste milieu entre le traitement de ses personnages et les thématiques qu’il aborde, sans tomber dans le didactisme ou le pathos. Assurément une des séries de l’année.

PFloyd

Stanley Kubrick, Akira Kurosawa et David Simon sont mes Dieux, mais je prends toujours du plaisir à voir un film ou une série, à condition que ce soit bien et bon. Sinon, gare au retour de bâton.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *