[Critique Série] – Staged : comique de visio

Staged ©BBC

Si les masques et autres mentions du Covid débarquent dans les fictions télévisées (en attendant que les cinémas rouvrent pour que les films en fassent de même), la forme desdites séries restent inchangées. Toutes ? Non ! Car outre-Manche on a trouvé une parade au(x) confinement(s) tout en trouvant le moyen d’en rire. Et ça fait du bien de rire.

Le concept de la série/du film en visioconférence n’est pas nouveau ; le cinéma d’horreur s’en était déjà emparé (Unfriended) et avait montré les possibilités du dispositif, même si son utilisation restait balbutiante. La pandémie actuelle a forcément poussé aussi à son utilisation, en réorientant l’effort sur les dialogues et le jeu des acteurs et des actrices. Parfois, cela donne de bonnes choses (l’épisode confinement de Mythic Quest), parfois des catastrophes (Connectés). Et parfois, quand les Britanniques sont derrière le projet, cela donne une série incroyable comme Staged.

Donc, Michael (Sheen), David (Tennant) et Simon (Evans) se retrouvent confinés à leurs domiciles respectifs (en Angleterre et au Pays de Galles) et doivent se parler sur [insérer le service de visioconférence de votre choix] pour discuter de la mise en scène d’une pièce de théâtre mise à mal par la pandémie. Simon, le producteur, cherche à engager le travail coûte que coûte ; David et Michael (ou Michael et David) (ou Michael et le putain de menteur David) rechignent et passent leur temps à se plaindre du temps qui s’écoule lentement, des oiseaux qui s’approchent trop près des fenêtres ou de leurs défauts réciproques. Le tout avec moult accent écossais, barbe folle galloise et connexions foireuses.

Staged est un petit miracle. Miracle d’écriture, où chaque mot est pensé et dit quand il le faut ; miracle de rythme, où chaque silence pesant ou logorrhées verbales remplissent parfaitement les quinze minutes que dure un épisode ; et miracle d’intelligence où le concept de la série évolue avec le temps pour approfondir les relations entre la fiction et le réel et nous surprendre ainsi continuellement. L’alchimie entre les acteurs, notamment entre Michael Sheen et David Tennant (ami dans la vraie vie), rend le tout fluide et agréable à suivre ; et l’insertion du quotidien et de leurs proches (Georgia Tennant, Anna Lundberg et Lucy Eaton) donne une profondeur dramatique à l’ensemble et permet d’humaniser leurs compagnons/frères (dans le cas de Lucy et Simon) et d’échapper à des prestations trop égocentriques.

Mood / Attitude (BBC©)

Si la première saison est en effet assez classique dans son déroulé – je l’ai résumé plus haut – sa suite est beaucoup plus ambitieuse : elle suit la création du remake américain de Staged, la série fictionnelle de six épisodes que nous avions pu voir auparavant. Une série dans la série qui est une vraie prise de risque narrative (et inédite à ma connaissance) et qui aurait pu ruiner l’humour et l’équilibre de l’ensemble. Heureusement, le tout continue de fonctionner à plein régime, malgré quelques faiblesses dans les caméos qui se succèdent pour remplacer Michael et David (je pense notamment au duo Frost/Pegg, charmant comme toujours mais un peu trop hors-ton ici). Chose nouvelle aussi ici : les petites pointes cruelles qui piquent Michael et David, les ramenant sur Terre et dans leurs statuts d’êtres humains dépassés par ce qui les entoure et parfois incapables de pouvoir communiquer comme ils le souhaiteraient avec le monde extérieur (comme l’illustre la rencontre avec Michael Palin dans le 2×01).

Cet ancrage semi-réel est ce qui fait le réel intérêt de Staged. En jouant perpétuellement sur les personnalités (réelles) de ses acteurs et actrices dans un cadre fictionnel (la pièce, la série) qui ne l’est pas vraiment, Staged offre une densité narrative surprenante qui peut dérouter le spectateur. Il faut faire l’effort d’adhérer au propos, à l’humour parfois enfantin, parfois vulgaire, parfois subtil et au jeu tout en exagération des deux protagonistes principaux. Pas toujours évident.

Néanmoins, le format court du programme (quatorze épisodes sortis de quinze à vingt minutes maximum) est attrayant et permet de se faire rapidement une idée de l’œuvre. Et de constater que de bonnes choses ont réussi à naître de cette pandémie interminable.

Staged, 2 saisons de quatorze épisodes (entre 15 et 20 minutes). Diffusée sur BBC One, pas encore achetée par une chaîne française ou un service SVOD pour notre territoire.

PFloyd lui attribue la note de :
8/10

En bref

Regardez Staged. Pour l’amour des barbes mal taillées et des engueulades avec des accents à couper au couteau.

PFloyd

Stanley Kubrick, Akira Kurosawa et David Simon sont mes Dieux, mais je prends toujours du plaisir à voir un film ou une série, à condition que ce soit bien et bon. Sinon, gare au retour de bâton.

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