Si football et cinéma ne font pas toujours bon mélange (on pense à l’affreuse trilogie “Goal !”), les deux ont toutefois déjà cohabité avec succès pour donner place à de très beaux moments. Alors que le suspense en coupe du Monde bat son plein, retour sur une petite sélection de films qui ont su transcender le ballon rond.
1- Hors-jeu, Jafar Panahi
En 2005, l’équipe nationale d’Iran a l’occasion de valider son ticket pour la coupe du Monde 2006 en battant le Bahrein. Les femmes n’ont pas le droit d’accéder au stade, encourageant plusieurs d’entre elles à se déguiser en hommes pour assister à la rencontre. Repérées par la patrouille de gardes (eux-même parfois sceptiques quant au bien-fondé de cette interdiction), elles sont contraintes de vivre le match aux abords du stade en attendant d’y être exclues.
Tout au long du film, nous ne voyons rien du match, et pourtant, Jafar Panahi parvient à retranscrire l’essence du football et son pouvoir fédérateur, égratignant bien entendu les diktats de la société iranienne.
En 2018, l’interdiction d’accès aux stades pour les femmes est malheureusement toujours d’actualité en Iran. Lors de la coupe du Monde, le pouvoir a toutefois cédé à un léger assouplissement : plusieurs femmes ont ainsi pu profiter du match contre le Portugal, diffusé sur un écran géant dans le stade de Téhéran. Le président Hassan Rohani a par ailleurs appelé à la levée définitive de cette interdiction, mais se heurte encore à l’opposition des plus conservateurs.
2- Dans ses yeux, Juan José Campanella
Ce film policier sur fond de dictature argentine et de nostalgie est notamment célèbre pour son plan-séquence de plusieurs minutes réalisé dans un stade de football. Pas particulièrement friand de ballon rond, le détective vient toutefois assister à une rencontre du club d’Huracán avec son assistant : il est en effet possible que le coupable s’y trouve. De moins en moins convaincu par cette hypothèse, il se décide à rebrousser chemin juste avant de reconnaître enfin le visage qu’il recherchait dans les tribunes. Pas de bol, c’est à ce moment précis qu’Huracán choisit d’ouvrir le score. Après avoir été interpellé, le criminel profite du mouvement de la foule en délire pour prendre la fuite avant une course-poursuite inoubliable.
3- Kes, Ken Loach
Pas exactement au niveau de la coupe du Monde, le personnage de Billy Casper subit comme de nombreuses personnes avant et après lui les cours de sport au collège et connaît la joie d’être choisi en dernier dans l’équipe de ses camarades de classe (et seulement pour jouer aux buts, bien entendu). Interprété par Brian Glover, son professeur de sport est une caricature (sonnant pourtant terriblement juste) de l’instituteur autoritaire et de mauvaise foi, n’ayant aucun intérêt pour l’apprentissage et la pédagogie. Il n’hésitera pas à simuler pour obtenir un penalty, et à demander à retirer celui-ci après avoir manqué sa tentative. Une certaine vision de l’éducation.
Durant les 10 minutes de cette scène, Ken Loach parvient à faire ressusciter certains souvenirs des cours de sport à la perfection : des élèves maladroits, d’autres qui s’en fichent, d’autres qui sont plus doués, et bien entendu un professeur à côté de la plaque.
4- Nos meilleures années, Marco Tullio Giordana
En 1966, la Corée du Nord élimine l’Italie de la coupe du Monde (oui, oui). Un événement qui est bien entendu plutôt mal pris de l’autre côté des Alpes. Matteo et Nicola, pas franchement passionnés de ballon rond, s’amusent toutefois de cette situation et vont jusqu’à scander “Korea ! Korea !” dans le bar, suscitant des regards peu approbateurs. Un joli pied de nez à ceux qui pensent que supporter l’équipe nationale passe avant tout. Plus tard, le film montrera également l’effervescence d’un peuple lors de la coupe du Monde 1982. Quelques petites scènes montrant que le football, notamment en Italie, est bien plus qu’un sport.
5- The Damned United – Tom Hooper
Brian Clough, entraîneur charismatique et véritable icône en Angleterre, signe à Leeds United après plusieurs années riches en réussite chez Derby County. Obsédé par sa rivalité avec l’ancien entraîneur de Leeds, Don Revie (parti entraîner l’équipe nationale) dont il prend la place, il tient à développer un football tout à fait différent : fair-play et beau jeu plutôt que agressivité et kick and rush, alors l’apanage du club.
Il fait directement part de cette volonté aux joueurs de son effectif, encore attachés au style Don Revie. On se rend rapidement compte que le discours ne passera pas. L’équipe enchaîne les matchs catastrophe, et Brian Clough ne restera même pas deux mois avant de faire les beaux jours de Nottingham Forest, double-vainqueur de la Ligue des Champions quelques années plus tard. En 2018, The Damned United reste l’un des rares films vraiment convaincants entièrement consacrés au football.