[Critique Série] – Master of None

Revoir Aziz Ansari un peu moins de dix mois après la fin – toujours regrettée – de Parks & Recreation provoque un sentiment ambigu. L’acteur jouit d’une bonne cote de popularité depuis quelques années, mais être scénariste et premier rôle de sa propre série est une chose vraiment délicate à gérer. Fort heureusement, Master of None prouve qu’Aziz Ansari – épaulé pour l’occasion par Alan Yang, un ex de Parks & Rec – sait ce qu’il fait. Et qu’il le fait bien.

Dev Shah est un homme, d’origine indienne, qui a la trentaine et qui est à la recherche d’un rôle dans un film. Voici le point de départ de Master of None. Au fil des dix épisodes de cette saison, Dev va vivre des situations qui vont le pousser à se remettre en question, à aimer, à détester, à espérer, à déprimer… Comme chacun d’entre nous au final. C’est ce qui fait la force de la série d’Ansari : mettre en scène des situations crédibles auxquelles les personnages réagissent de manière crédible. Un peu romancé certes, et condensé dans un format de 30 minutes, mais crédible.

Pour parvenir à ce résultat, Master of None s’appuie sur deux choses : la qualité de son écriture et le jeu de ses acteurs. La série évoque le racisme, le sexisme (c’est d’ailleurs la compagne de Dev qui le met vraiment au courant de cela lors du septième épisode), la peur de s’engager… Des thématiques plutôt casse-gueule mais qui, grâce à la plume d’Ansari et de Yang, sont vraiment bien traités. Le racisme de l’industrie cinématographique ou télévisuelle est bien tournée en dérision, tout comme les problèmes de couple que rencontre Dev – et qui donnent d’ailleurs à la série son plus bel épisode, le neuvième. Mais globalement, plutôt que de chercher la confrontation, la série va faire dialoguer ses personnages ; et c’est ça qui est intéressant dans Master of None. La série n’est pas hystérique, elle est posée et calme, et même si certaines situations se débloquent trop facilement, elle est efficace grâce à cela – un peu à l’image d’un Broad City. Il y a un petit côté pièce de théâtre dans chaque épisode, avec ce générique qui présente les acteurs de l’épisode, le titre… comme si la série annonçait ce qui allait suivre avant de lever le rideau. Clairement, c’est loin d’être désagréable et Ansari et Yang ont réussi leur coup.

On pourrait l’oublier en lisant le paragraphe précédent, mais Master of None est à la base une comédie (douce-amère). Et même si parfois la série manque de mordant, elle arrive régulièrement à faire rire, que ce soit grâce aux mimiques d’Ansari, au personnage joué par Eric Wareheim qui semble tout droit sorti d’un film de Quentin Dupieux ou encore dans les scènes mettant en scène le (vrai) père d’Ansari et les scènes tournées sur fond vert pour un résultat… mitigé. Et puis pour les fans d’Archer, ils pourront voir en chair et en os H. Jon Benjamin, qui est un peu moins survolté qu’en Sterling Archer mais toujours aussi cool à entendre.

J’ai déjà commencé à l’évoquer, mais les acteurs (qui ne sont pas si nombreux que cela et tant mieux) sont bons dans Master of None. Ansari a changé de registre par rapport à son rôle dans Parks & Rec et est bien plus posé, ce qui permet de faire ressortir un talent dramatique insoupçonné. Wareheim joue comme dans un film de Dupieux, avec un rôle de grand dadais immature et un peu timbré qui lui va plutôt bien mais qui peut lasser, Noël Wells joue vraiment très juste le rôle de Rachel, petite amie émancipée qui se pose aussi des questions sur son futur, Lena Waithe est cool et assez charismatique et puis les parents d’Aziz Ansari dans la réalité sont vraiment bien intégrés à la série et ne surjoue pas (le père a l’air adorable d’ailleurs). Quant à la réalisation, si elle n’est pas excellente tout le long, elle se situe dans la moyenne haute des mises en scène de sitcoms avec quelques effets vraiment bien vus (comme ces flashbacks au début de l’épisode 2).

En ces temps compliqués, Master of None est la série idoine pour se détendre intelligemment. La série se déguste facilement et est très agréable à regarder ; mais avec ces thématiques, elle permet aussi de faire réfléchir en prenant par la main le spectateur au même titre que Dev dans la série. Une série futée et maligne qui s’avère sans doute être la plus belle surprise que Netflix ait jamais sortie.

PFloyd lui attribue la note de :
8/10

En bref

Master of None est une réussite et une belle surprise. Ansari et Yang livrent une comédie humaine et touchante qui fait plaisir à voir. La série Netflix de l’année pour le moment.

PFloyd

Stanley Kubrick, Akira Kurosawa et David Simon sont mes Dieux, mais je prends toujours du plaisir à voir un film ou une série, à condition que ce soit bien et bon. Sinon, gare au retour de bâton.

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