[Critique Série] – Legion : l’Odyssée de David

Poster Legion

Avec Legion, FX continue d’étoffer son catalogue de séries dramatiques en piochant cette fois du côté de Marvel et de l’univers X-Men. Le tout chapeauté par Noah Hawley, la tête pensante de l’adaptation (réussie) de Fargo depuis deux ans.

Critique saison 1 – 2017

Les adaptations des comics Marvel à la télévision se limitaient à deux chaînes/services jusqu’à cette année : les séries ABC (chaîne tenue par Disney pour rappel), où seule Agents of S.H.I.E.L.D. reste vivante (repose en paix Agent Carter) ; et le Marvel Universe de Netflix qui réussit l’exploit d’endormir son audience au fil des séries qu’elle dispense après un très bon départ. Avec l’arrivée de FX dans le bal et Noah Hawley derrière le projet, on pouvait espérer que Legion se place dans les meilleures adaptations de la filiale de Disney.

Clairement, Hawley et les différents réalisateurs qui se sont succédés sur cette première saison – citons Michael Uppendahl qui a travaillé sur feu Mad Men (déjà deux ans, la cicatrice n’est toujours pas renfermée pour votre information) – ont vraiment cherché à polir au maximum leur bébé. Legion impose son rythme et son visuel léché d’entrée, par cette séquence joyeuse puis de plus en plus sombre qui retrace la vie de David (Dan Stevens, parfait), diagnostiqué malade psychique et interné de force, le tout sur du Who. Un esprit pop sous acide qui se poursuit lors des huit épisodes que dure cette saison et que pour des raisons évidentes nous n’allons pas évoquer plus que cela ici.

Parce que gâcher la surprise serait vraiment dommageable à la découverte de Legion. On a affaire à une série qui essaie régulièrement de bousculer le spectateur en multipliant les effets de mise en scène qui mettent en valeur l’esthétique très seventies – qui rappelle X-Men First Class pour rester dans le même univers ou The Avengers (la série mythique des années 60/70). Parfois cela tourne à vide (le milieu de la série est irrégulier et un ennui poli surgit par moments), mais souvent l’effet fonctionne ; et surtout, il est toujours plaisant de voir une oeuvre qui tente de choses, même si ça peut paraître surfait – après tout c’est aussi pour cela que l’on appréciait Hannibal par exemple.

Genre ça, c’est dingue (FX©)

On ajoute à cela une distribution qui fait parfaitement son travail – mentions spéciales à Aubrey Plaza en cinglée classieuse et à Jemaine Clement, toujours excellent – plus une bande-son qui fera plaisir aux mélomanes et l’on tient une série qui se suit parfaitement sans déplaisir. Les seuls gros reproches qui peuvent être faits à Legion sont son écriture d’abord, qui manque parfois de simplicité et qui ne touche pas toujours juste, et ce milieu de saison cité plus haut qui s’étire parfois trop en longueur. La question du raccordement avec le reste de l’univers X-Men pose question aussi, mais la série a le temps de répondre à cette interrogation l’année prochaine.

Mis à part ces réserves, Noah Hawley prouve qu’il est un des créateurs phares de la télévision américaine actuelle et un atout de poids dans le catalogue de FX. Et le bonhomme ne s’arrête pas là vu qu’une deuxième saison est d’ors et déjà prévue pour février 2018 et que la saison 3 de Fargo est en cours de diffusion. Bref, tout roule pour Hawley.

Legion, FX, 8 épisodes tous diffusés, disponible en France sur OCS Max depuis le 25/04.

 

Mother, do you think they’ll drop the bomb ?

Novembre 2019. Voici maintenant quatre mois que Legion s’est terminée, dans un anonymat quasi-complet. Cette fin, de nombreuses séries qualitatives de cette décennie l’ont connu (rien que chez FX, on peut citer The Americans ou Justified), là où les fins de grandes séries des années 2000 ont eu un public conséquent pour les voir (13 millions pour Lost, 4 millions pour Six Feet Under et 12 pour The Sopranos si l’on veut comparer câble à câble). Voici donc venu le temps de reparler de Legion, afin de lui rendre hommage et de rappeler à qui veut le lire que cette dernière fait bien partie de ce que la télévision américaine a sorti de mieux ces dix dernières années.

Au cours de ces trois saisons, Legion n’a eu de cesse d’essayer de se renouveler et d’innover sur le fond et la forme. Visuellement, la série créée par Noah Hawley (qui retouche d’ailleurs à la mise en scène sur le dernier épisode de la saison) était ce qui se faisait de plus ambitieux à la télévision américaine avec Twin Peaks: The Return et Mr. Robot ; la qualité de sa direction artistique, de sa mise en scène léchée et de ses touches expérimentales en faisaient une oeuvre excellente d’un point de vue technique, capable par moment de toucher au sublime tout en variant les genres – ici de la comédie muette, là une séquence musicale (et il y en eu beaucoup), de l’absurde, de l’horreur…

Switch et les allers-retours temporels, les deux excellentes idées de cette saison 3 (FX©)

Très souvent citée à ses débuts sur ces qualités, Legion a été peu à peu oubliée par les critiques et le public alors que ces choses-là ne se sont jamais envolées et qu’Hawley et les différents réalisateurs et techniciens passés sur la série (cette année on retrouve notamment Andrew Stanton, qui a tout de même Wall-E sur son CV) ont toujours chercher à ne pas se contenter de recycler les mêmes idées et les mêmes plans sur ces trois saisons. Quitte parfois à heurter le téléspectateur qui se demandait ce qu’il était en train de regarder. Il en est allé de même au niveau de l’écriture de la série : toujours proche de ses personnages, sensible, mélancolique, heurtée, cherchant à décrire du mieux possible leurs failles sans perdre de vue l’Humain.

Mais Legion n’est pas exempte de tout reproche. Trois saisons, c’est long. La fragmentation du paysage sériel est difficile à vivre pour des séries dont il est nécessaire de suivre attentivement chaque épisode afin de suivre l’intrigue. A ce petit jeu pour capter le mieux possible l’attention du téléspectateur en direct ou en SVOD, Legion s’est aussi parfois trop entêté à vouloir trop être à contre-courant de tous ses concurrents. Parfois en faisant primer le visuel sur l’histoire (qui dans la saison 2 était sur le fil de se perdre dans ses propres méandres), parfois en insistant sur l’histoire de David au détriment de celles des autres, parfois en étirant absurdement certaines situations sur plusieurs épisodes d’affilée.

La dernière saison de Legion en est un parfait exemple : prenante et nerveuse lors des cinq premiers épisodes, elle décide brusquement de s’enfermer dans un épisode 6 sans réel enjeu, certes très joli mais à l’opposée de ce que l’on attend d’une fin de série, avant de se prendre un peu les pieds dans le tapis en étirant la résolution lors des deux derniers épisodes, comme si la série n’avait plus rien à dire alors qu’elle semblait montrer l’inverse trois épisodes auparavant. Legion a voulu aller à contre-courant, coûte que coûte, pour le meilleur et (parfois) pour le moins bon.

Hors de question cependant de renier la réelle qualité de la série. Meilleure série super-héroïque (avec le dessin animé Batman), elle est aussi une des meilleures séries dramatiques de la décennie 2010, dans ce peloton comprenant notamment Halt & Catch Fire ou The Americans. Et puis, les séries traitant les troubles psychiques étant rares, encore plus celles qui les présentent avec un tel soin, il est à mettre au crédit de Legion d’avoir aussi montré, le temps de 27 épisodes des archétypes de personnages rarement vus à la télévision. Legion était une série têtue qui a suivi consciencieusement sa voie ; elle sera sûrement redécouverte dans quelques années par un public plus étendu. Elle le mérite.

PFloyd lui attribue la note de :
8/10

En bref

Je notais en 2017 qu’il fallait que « Legion confirme l’essai ». L’essai a bien été confirmé et transformé ces deux dernières années, malgré quelques baisses qualitatives en cours de saisons 2 et 3. Noah Hawley a réussi son pari ; reste à espérer que d’autres marchent dans ses pas en proposant des super-héros de cette qualité dans le futur.

PFloyd

Stanley Kubrick, Akira Kurosawa et David Simon sont mes Dieux, mais je prends toujours du plaisir à voir un film ou une série, à condition que ce soit bien et bon. Sinon, gare au retour de bâton.

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